Après quelques années à disserter du mérite comparé des jobboards et des réseaux sociaux professionnels, j'avais souhaité prendre un peu de recul. J'avoue avoir hésité à sortir de ma torpeur cet été lors de la grande conférence au thème totalement inédit de « la digitalisation des RH » ... Mais non. J’ai failli de nouveau craquer en septembre à l’annonce du lancement du « site qui allait révolutionner le monde du recrutement »… Non plus. Ou alors c’est la combinaison des 2. A moins que ce ne soient les récents mouvements financiers qui ont agité la galaxie du recrutement en ligne...
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C’est au début de l’été que Microsoft annonce l’achat du réseau Linkedin pour un montant supérieur à 26 milliards de dollars ! Si l’on considère qu’un quart seulement des plus de 450 millions de membres sont actifs chaque mois, ça nous fait le membre à 60 $ environ et le membre actif à 240 $ ! On est bien peu de choses… A peine 2 mois plus tard, c’est Randstad, le géant néerlandais de l'intérim, qui annonce l'acquisition de Monster pour la coquette somme de 429 millions de dollars, bien loin des 8 milliards évoqués quelques temps plus tôt (soit un peu moins de 3 dollars par cv en base de données si l'on considère qu'il y en a 150 millions environ. Pas cher le CV…). Quant aux membres Viadeo, le calcul serait en cours mais on devrait passer largement sous la barre du dollar, voire de quelques cents… sic.
Facile d'imaginer la motivation décuplée des start-up qui révolutionne le monde du recrutement : si Monster, un acteur historique de presque 20 ans (pour ne pas dire old fashioned voire carrément has been en unité de temps internet) se vend à ce prix, facile de lever sans difficulté quelques millions d’euros pour tenir encore pendant quelques mois ! Et que dire des acheteurs qui se bousculeront sans aucun doute pour valoriser cette jeune pousse à 150 fois ses pertes dans quelques autres mois ! LinkedIn n’affichait-il pas une perte nette de 165 millions de dollars lorsque Microsoft s’est manifesté ? Car le monde cruel de la transformation digitale est ainsi : c’est le grand jeu du qui perd, gagne…!
Quant au modèle érigé en nom commun de la transformation numérique, pas de la GRH apparemment (je m’auto-uberise ?), rappelons simplement qu’un chiffre d’affaires en forte hausse à 5,5 milliards de dollars s’accompagne également d’une perte attendue à … 3 milliards de dollars pour 2016. Une paille ;) Cette même année, les start-up françaises ont levé 1,63 milliard d'euros, ce qui ne manque pas de faire la Une des TechMedias (ça doit bien exister) et des autres médias qui veulent se la jouer tech (ça, ça existe, c’est sûr).
Et de s’interroger sur la motivation de ces achats…
Si le rachat de Monster par Randstad ne semble pas trop questionner les esprits - quoi que…- , un acteur des services aux Ressources Humaines achète un autre acteur des services aux Ressources Humaines, il n’en est pas de même pour LinkedIn.
Pourquoi diantre Microsoft a-t-il déboursé autant pour s’offrir le réseau professionnel après Skype en 2011 et Yammer l’année suivante ? Plusieurs hypothèses s’affrontent…
La communauté des « shopper addict » : quand on a plus de 100 milliards de dollars sur son compte en banque et qu’on a rien acheté depuis 2 ans (et encore, avec Mojang, éditeur du jeu Minecraft, Microsoft n’avait dépensé que 2.5 milliards de dollars. Certes, les patrons n’étaient pas inclus dans le package…), la tentation de claquer 26 milliards d’un coup sans virer personne (pour le moment) était trop forte !
La communauté des « office 365 addict » : ce serait trop bien qu’on ait l’icône Linkedin directement en ouvrant sa session. Ca éviterait l’éternelle suspicion du type : « Tiens, t’as mis ton profil à jour ? Tu cherches un autre job ? » Auquel cas, la réponse serait : « Ben dis donc, t’es pas très social selling toi ». Ce qui, n’en doutons pas, devrait mettre assez rapidement fin à toute polémique. Voire même à toute question. Euh .. c’est quoi le social selling ?…
La communauté des « mobile addict » : depuis 2014, Microsoft affiche ses ambitions dans le mobile par la voix de Satya Nadella, son patron. Ambitions affichées mais non réalisées… Le windows phone, ce n’est pas un hit et le rachat de Nokia, pas un triomphe non plus. Alors que LinkedIn, le mobile, c’est dans l’ADN avec l’appli majoritairement consultée en mobilité (et la mobilité largement encouragée par les alertes hebdomadaires).
Toutes ces raisons sont louables. Mais n’oublions pas que LinkedIn tire les 2/3 de ses revenus des services aux recruteurs. Et sur ce sujet, pas une ligne, ni un avis. Alors je vous livre le mien sous forme de question : tiens, à court terme, c’est qui qui va payer l’addition ?... Début de réponse ici, même si, promis, le lien de cause à effet est une vue de l'esprit. et réponse complète et chiffrée dès le 01 janvier. Une prédiction avant de vous laisser : 2017 sera rock, digitale et agitée !